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Rubrique Tendances

Éternel recommencement (2)

C’est vrai, les journées s’empilent comme un fagot étrange et sans logique. Ce fagot que je porte depuis de nombreuses années ; nombreuses n’étant ici qu’un euphémisme et un effet de coquetterie qui ne sied pas, zaâma, à l’homme. Ne vous en faites pas, ce sera le corps fourbu, les articulations douloureuses et la pompe affolée qui vous le rappellera. Perso, j’en ai grandement conscience ; il est inutile de me mirer, je sens ma structure s’affoler à chaque pas fait dans un environnement lui-même déstructuré. Ihi, je ne fais aucune différence entre le rêve et le cauchemar. 
Dans mon rêve, je vois l’extérieur propre, logique, rieur, enchanteur, agréable, ouvrant les bras comme lors d’une étreinte amoureuse. Les arbres sont droits, au garde-à-vous, exhibant fièrement leur toison vers un ciel accueillant. Les oiseaux font leur sérénade comme dans un film à l’eau de rose. Si je pousse plus loin la démesure de mon rêve, il est possible d’entendre ces arbres pousser la chansonnette. Cette douceur des oreilles me fait voir l’ampleur de la Création. Et du Créateur. Autour de moi, je ne vois pas la moindre poussière, ni papier aucun, ni autre chose du même acabit. Comme si je marchais sur du gazon fait de soie de Chine. Les voitures sont silencieuses ; elles touchent à peine le bitume ; elles sont en suspension. Les maisons sont alignées, bâties en ligne droite. Leurs fenêtres sourient au passage des gens. 
Vous qui me lisez, vous ne croyez pas à ce rêve. Imaginons juste un instant que nous ayons ce tableau réellement chez nous. Ce serait beaucoup plus un cauchemar, n’est-ce pas ? C’est vrai que ce ne n’est pas la réalité, je ne cesse pas de l’écrire dans cet espace de parole. Mais je veux croire, tout de même, que la frontière entre le rêve et le cauchemar est tellement mince, qu’il m’arrive de me dire que tout est possible. Que le rêve est permis dans ce pays ! Positiver ? Est-ce ainsi cher toubib ? Aujourd’hui, je suis shooté à l’optimisme grave ; je ne veux point céder un empan de terrain à mes doutes, mes angoisses et mes retours vers le passé. Si c’est une folie, elle est douce. Alors, suivez-moi !
L’Algérie est magique et tellement belle. Au point où nous avons le taux le plus élevé de touristes par année. Exit la Grèce. Exit les îles. Exit l’Australie et la Nouvelle-Zélande. Exit l’Inde et la merveille du Taj Mahal.  Exit les safaris dans la savane de l’Afrique profonde. Plus de tourisme dans l’espace. Les touristes sont là, chez nous ; ils sont là par millions. Au point où le ministère du Tourisme a été éclaté en plusieurs ministères. Il y a le ministère du tourisme de montagne, celui du tourisme saharien, celui de la mer… L’Algérie a spécialisé son tourisme…
Puis ce jour-là, les visages aimés étaient là présents avec moi. J’ai voulu les faire profiter de ma résurrection. Mes ami(e)s de l’ENA. Ceux du primaire. Ceux du service militaire. Ceux de ma ville natale. Et tous les autres qui se sont agrégés au fur et à mesure que je faisais ma vie. Certains de mes enseignants étaient là, aussi. Je vais faire plein de photos avec eux. On va remettre le disque, à l’ancienne, pour voir refleurir nos journées et nos nuits. D’ici, je vois Krimo faire le pitre ; il est amoureux, me semble-t-il. Au fond, calé contre un mur, je vois Hamid en train de consulter le supplément livres du Monde ; un puits de science ce garçon. Pas très loin, Houria tire sur sa clope dangereusement ; on n’y peut rien, il faut que jeunesse passe. Oui, nous brûlions notre jeunesse de jour comme de nuit. Qui vois-je d’autre ? El-Yes vérifie sa toison comme s’il craignait de la perdre. Ah, j’ai oublié son prénom. Comment est-ce possible ? C’est un jour magique que ce jour ; rien de fâcheux ne doit contrarier cette rencontre. Ça y est ! Il s’agit de Kamel, un gars de Jijel, qui demande un peu de silence pour pousser une qaçida de chaâbi. Bien sûr, je ne peux tous les citer. Tout va bien, je suis au milieu de mes ami(e)s. Le rêve continue.
Je vous sens dubitatifs, chers lecteurs. Promis, je n’ai rien fumé depuis des lustres. Ce doit être un excès de dopamine. Compte tenu de cet effet, j’en redemande chaque jour. Etre heureux dans un pays heureux, ça compte dans la vie d’un citoyen. C’est ce que recommande tout le temps mon toubib. Il ne cesse pas de me dire de positiver ; c’est ce que je fais ; je positive. Puis l’affaire ne s’arrête pas là. Il faut aller au fond des choses. Il n’y a pas plus beau pays que le nôtre, c’est comme je vous le dis. En tout état de cause, moi, j’aime mon pays. Que ça cause un souci aux esprits chagrins, ça ne me fait ni chaud ni froid. Voilà, c’est dit.
J’ai failli oublier un pan important de notre économie. Il n’y a plus d’hydrocarbures ni de gaz dans notre sous-sol. Nous ne le vendons plus. Attendez voir l’astuce ; nous avons laissé quelques puits pour notre consommation nationale. La malice économique est chez nous, désormais. Puis pourquoi penser à exporter nos richesses du sous-sol ? Grâce aux efforts soutenus de nos fellahs, notre Sahara s’est transformé en une immense ferme. On récolte de tout. De toutes les couleurs. De la cacahuète à la banane, au blé, au maïs, aux agrumes… De tout, je vous le dis. Si la Chine est l’atelier du monde, l’Algérie est désormais le grenier du monde. La devise rentre à flux continu. Ce n’est plus un matelas, c’est une « khezna », made in bladi. Mieux encore, notre produit national du bonheur est le meilleur au monde. Le FMI vient prendre chez nous des leçons de gestion. La banque mondiale, aussi…
Enfin, je suis à la frontière du rêve et du cauchemar. J’ai le droit de rêver. Et vous venez me mettre la tête sous l’oreiller du cauchemar. Désolé, dès que j’ouvre les yeux, je ne vois que « luxe, calme et volupté». Pourquoi donc contrarier mon rêve ? Je ne fais que rêver depuis ma tendre enfance. J’y ai droit ; comme tout le monde du reste. Chacun se shoote avec la substance qu’il désire, pourvu qu’elle ne soit pas illégale. Perso, je me shoote au rêve. Ce n’est pas interdit que je sache. Puis, je ne gêne personne. Je reste tapi au fond de moi-même, sans commettre aucune incartade. 
Je ne sais pas s’il peut y avoir une conclusion à ce rêve difficile à contenir. Néanmoins, je laisse le soin à Marcel Proust de nous proposer son idéal : « L’ambition enivre plus que la gloire ; le désert fleurit toutes choses ; il vaut mieux rêver sa vie que la vivre, encore que la vivre se soit encore la rêver, mais moins mystérieusement et moins clairement à la fois, d’un rêve obscur et lourd, semblable au rêve épars dans la faible conscience des bêtes qui ruminent. »
Y. M.

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