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Rubrique Les choses de la vie

Une bien curieuse réconciliation !

Ce que l'Algérie républicaine a combattu durant les années 90, c'était bel et bien le terrorisme islamiste et non une force obscure tapie dans les profondeurs de la forêt sous la forme curieuse d'une «tragédie nationale». Il faut appeler les choses par leur nom car une mauvaise interprétation des évènements en vue de leur exploitation politicienne au profit d'un homme ou d'un clan risque de travestir l'Histoire et tromper les générations présentes et à venir. Les Algériens n'ont pas vécu une guerre civile entre 1992 et 1998. Une guerre civile suppose que deux parties de la population entrent en conflit pour des considérations idéologiques, ethniques, religieuses, ou autres. Le peuple algérien a été agressé par des forces paramilitaires illégales, prolongements de certains mouvements politiques relevant du fondamentalisme islamique, aidées financièrement et militairement par le Qatar et l'Arabie Saoudite. Le Maroc a également joué un rôle important dans la déstabilisation de notre pays. 
Ce sont des éléments formés en Afghanistan, de retour au pays, qui constituèrent les premiers noyaux du terrorisme islamiste en Algérie. L'ANP et les forces patriotiques sont venues à bout de ce terrorisme après plusieurs années de lutte acharnée et de sacrifices qui font, malheureusement, l'objet d'une occultation déconcertante. Cet engagement armé se solda par un succès militaire incontestable qui n'aurait pas été possible sans une large mobilisation populaire. En 1998, le terrorisme, en tant que danger potentiel pouvant s'accaparer du pouvoir ou diviser le pays, était éliminé. Ce fut l'échec cuisant des tentatives visant à abattre le régime républicain pour le remplacer par une oligarchie théocratique au service de puissances étrangères. 
L'ANP victorieuse engagea un dialogue avec les responsables de l'AIS qui se solda par la loi de la «Rahma». Mais le danger rampant restera présent tant que la victoire militaire n'est pas approfondie par une lutte sans merci contre l'intégrisme religieux et la radicalisation des jeunes. À la télévision, le général Lamari avertit : «La victoire militaire ne suffit pas. Il faut éloigner la mosquée et l'école de l'idéologie radicale !»
Alors que l'étape la plus dure, nécessitant une solution militaire, relevait désormais du passé, le général Zeroual, un acteur principal de la lutte antiterroriste devenu président de la République, écourta son mandat. L'arrivée de Bouteflika laisse penser que l'Algérie allait définitivement sortir du cercle vicieux d'un pouvoir hésitant à aller vers les réformes et le modernisme. Mais l'ancien ministre des Affaires  étrangères de Boumediène étonne lorsqu'il déclare que s'il avait eu 20 ans à l'arrêt du processus électoral, il aurait rejoint le maquis ! En fait, Bouteflika avait son plan pour rentrer dans l'Histoire. Il ne tarda pas à dévoiler son chantier du siècle : une réconciliation nationale qui fut une superbe supercherie politique. Réconciliation entre qui et qui ? Quels accords, réunions, rencontres, entre les parties supposées se réconcilier ? Il n'y avait rien de tout cela, car il n'y avait rien à réconcilier. Les terroristes islamistes auraient dû être jugés cas par cas, avec une clémence assurée pour le gros des troupes constitué de jeunes égarés mais les responsables de tueries organisées et de sabotages prouvés devaient payer leurs crimes. En fait, l'objectif de Bouteflika était tout autre : démontrer que c'est la réconciliation nationale qui a mis fin aux violences et non la lutte armée patriotique. Son discours était tellement bien huilé et la logistique de propagande si puissante qu'une bonne partie du peuple pensa naïvement que c'est Bouteflika qui a «ramené la paix». Ce dernier pouvait crier du haut des tribunes : «Rappelez-vous quand vous rentriez chez vous à 16 heures, la peur au ventre !»
Tous les sacrifices des Algériens, leurs souffrances, leurs larmes, leurs espoirs furent occultés pour les beaux yeux de cette réconciliation qui a permis à des criminels dangereux et des psychopathes d'échapper à la justice. Plus grave encore, la réconciliation nationale a empêché la conscience du peuple de s'exprimer sur une réalité qu'il a vécue dans sa chair au moment où Bouteflika traversait son désert tranquillement. Toute une génération a vécu sous le poids de cette terrible mystification qui a dénaturé l'Histoire et gommé ce que j'ai toujours appelé : «la seconde révolution algérienne», ainsi que son seul héros de toujours : le peuple. 
Cette occultation, comme le silence imposé à notre histoire post-1962 ont laissé chez nos jeunes cette impression de vide absolu et la fausse idée d'une incapacité chronique à faire comme «les grands peuples». Il y a comme une volonté de ne mettre en exergue que ceux qui ont combattu le colonialisme. C'est légitime et même méritoire mais en oubliant toutes les autres belles conquêtes populaires et le rôle des ces mêmes Algériens dans la renaissance d'une nation, ne crée-t-on pas cette idée que ceux qui sont venus après 1962 ne méritent aucune reconnaissance ? C'est le discours officiel qui alimente cette contre-vérité. Pourtant, il y a des livres à écrire, des films à tourner, des pièces de théâtre à monter pour raconter la longue marche de ces Algériens pouilleux, malades, pieds nus et en haillons qui sortaient épuisés d'une guerre éprouvante pour poser les assises d'un nouveau pays libre et socialiste, rebâtir son économie dirigée jusque-là vers les besoins de la Métropole, édifier des écoles, des collèges et des lycées, construire des dispensaires, réaliser des routes, former des cadres, nationaliser les richesses naturelles et les mettre au service du développement et soutenir, partout dans le monde, la voix des hommes libres ! Des incapables ne feraient pas tout cela ! Il y a quelques jours, un organisme international a publié une carte de la malnutrition et de la famine dans le monde. En Afrique, le seul, l'unique pays peint aux couleurs dédiées aux nations développées d'Europe et d'Amérique est l'Algérie. Tous les autres pays du continent connaissent des problèmes de malnutrition ou, carrément, de famine. Cet acquis n'est pas venu du néant. C'est le résultat des sacrifices de la génération d'après-1962 et de politiques sociales que les partisans du libéralisme veulent remettre en cause.
Rien ne subsiste culturellement de ces années de labeur et de mobilisation populaire pour le socialisme. Aucun musée ne raconte nos 60 années d'indépendance ! Bien plus grave, les héros de la lutte antiterroriste sont totalement ignorés par le cinéma et la littérature. Hormis quelques rares œuvres abordant timidement la question, rien n'est venu rappeler cette extraordinaire épopée où des femmes et des hommes se sont surpassés pour barrer la route aux traîtres et aux mercenaires et déjouer les plans machiavéliques de nos ennemis.
La philosophie de la réconciliation nationale est une philosophie du renoncement et de l'oubli. C'est une doctrine de la défaite ! Elle ne repose sur aucune valeur positive, elle n'a aucune assise historique; elle a servi l'ambition d'un homme qui a voulu passer pour le sauveur de l'Algérie. La réconciliation nationale n'a réconcilié que le pouvoir oligarchique avec des criminels pour lesquels El Mouradia a déroulé les tapis rouges. Elle n'a pas réconcilié le peuple avec son histoire récente, ni permis à la justice d'agir dans la sérénité. 
C'est la philosophie de la réconciliation nationale qui a permis aux manipulateurs et autres nouveaux mercenaires d'investir le champ de l'Histoire récente  pour inventer de nouvelles versions totalement fantaisistes qui commencent à faire leur chemin auprès des jeunes : «C'est l'armée qui a tué. Il n'y avait pas de terrorisme !» L'armée a sauvé l'Algérie millénaire de la disparition ! La réconciliation nationale version Bouteflika n'a rien à voir avec la fin des violences. C'est le moment de le rappeler avant que ces thèses révisionnistes ne se généralisent, portant atteinte à l'honneur des officiers supérieurs qui sauvèrent l'Algérie des scénarii afghan et syrien. Halte au mensonge et vérité à la vérité !
M. F.

 

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