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Rubrique Les choses de la vie

Sommet d'Alger : qui dit oui peut-il dire non ?

Il y a, parfois, dans l'appréciation algérienne de la réalité arabe, un certain angélisme qui, — et s'il convient bien aux usages diplomatiques — peut brouiller la vision et éclipser les véritables enjeux. C'est notamment autour du prochain sommet arabe d'Alger qu'apparaît cette difficulté à s'adapter à une situation marquée par un remodelage total du champ politique arabe qui n'a plus rien à voir avec celui des années 70. À cette époque, l'engagement pour la libération de la Palestine était une réalité incontournable de la politique arabe commune. Les guerres menées contre le sionisme en furent d'ailleurs l'illustration parfaite. Les différents sommets pouvaient marteler cette solidarité manifeste avec le peuple palestinien sur un ton où l'esprit révolutionnaire, voire les choix militaires, traduisaient un engagement ferme et collectif pour une cause élevée au rang de priorité nationale pour chaque pays.
Mais une profonde faille divisera les rangs arabes dès la fin de la guerre de 1973, lorsque l'Égypte acceptera le cessez-le-feu, puis un semblant d'accord de paix à Camp David qui finira par diviser totalement les rangs arabes. Les pays révolutionnaires, ceux qui n'acceptent pas cette réddition sans gloire, créent le fameux front du refus mené par Boumediène. Des sommets restreints marquent cette étape.
Bien plus tard, lorsque seront signés d'autres accords impliquant l'Autorité palestinienne, dans le sillage d'Oslo, les Arabes se retrouvent autour d'un plan concocté par l'Arabie Saoudite, qui propose la terre contre la paix. Israël restituerait tous les territoires pris de force en 1967 et accepterait l'installation d'un État palestinien ayant El Qods-Est comme capitale. En contrepartie, les Arabes, et une fois leurs revendications satisfaites, pourraient faire la paix avec Israël puisque le problème central qui empêchait des relations normales avec l'entité sioniste aurait été résolu.
Mais les choses en restèrent là et la seule évolution se manifestera au niveau de l'instauration de relations diplomatiques entre Israël et certains pays arabes. Pour les Palestiniens, ce fut un nouveau cauchemar qui prolongea les souffrances d'un peuple chassé de ses terres et encagé dans un nouveau bantoustan dont les quelques bouts de territoires sont reliés par des boyaux traversant les terres occupées. Aucun réel bénéfice donc pour les Palestiniens, hormis le retour de Arafat et son installation dans une résidence surveillée à Ramallah où il finira par être empoisonné après un siège en règle de plusieurs mois. Point de pays appelé Palestine, ni d'État régnant sur ce pays, ni de capitale à El Qods, qui fut plutôt transformé en capitale... israélienne ! Sur le plan régional, plus de sommets mais des palabres et des radotages sans saveur, ni fin, au sein d'une Ligue arabe totalement contrôlée par les puissances réactionnaires du Golfe qui achètent presque tout le monde avec leur argent intarissable qui servira également à financer les fausses révolutions sapant les fondements des États-nations. Entre-temps, les Américains ont agressé l'Irak pour le compte d'Israël avec la complicité sonnante et trébuchante de ces mêmes monarchies et l'utilisation des bases militaires installées sur leur sol. L'objectif final est l'Iran qui aide des formations refusant d'accepter l'ordre sioniste. Hezbollah résiste et arrive même à remporter une victoire contre une armée réputée invincible. C'était en 2006. Mais tout cela ne change rien aux plans impérialo-sionistes qui vont même connaître un développement inattendu avec la guerre télécommandée au Yémen, les agressions répétées contre la Syrie et le rôle flou de la Turquie. Le seul élément positif fut la sortie de la Russie d'une longue torpeur qui empêcha la chute du bastion syrien. L'Algérie émergeait difficilement des marécages du terrorisme islamiste...
L'arrivée de Trump va changer la donne en offrant à Israël la reconnaissance de certains États arabes contre... des chimères ! Ces accords d'Abraham, inspirés par un sioniste de la pire espèce, propre gendre du Président US, finissent par planter le nouveau décor, celui de la honteuse capitulation des capitales totalement vendues à l'impérialisme.
Dans cette lamentable situation, attendre d'un sommet arabe qu'il apporte une quelconque solution aux problèmes de la Palestine est plus qu'un vœu pieux; c'est une impossibilité étayée par des arguments solides. Les amis des sionistes n'oseront pas mettre en péril leurs relations toutes nouvelles avec une entité qui les occupe déjà de différentes manières. Ce ne sont pas des accords folkloriques ou des paroles en l'air comme celles qui fusent à la Ligue arabe; c'est une alliance solide avec des intérêts financiers immenses, des enjeux géostratégiques précis et des objectifs militaires qui commencent à émerger.
L'angélisme que j'évoquais au début peut cacher cette réalité et nous ramener au temps des réunions arabes d'antan, baignant dans la «solidarité arabe» et défendant sincèrement et collectivement la cause palestinienne. Aujourd'hui, c'est totalement différent. Comment attendre, de la part de ces pouvoirs marionnettes, une quelconque condamnation de la répression sauvage des civils palestiniens qui continuent de tomber dans l'indifférence générale ? Comment croire que ceux qui déroulent le tapis rouge sous les pieds des criminels de guerre puissent relever la tête pour les dévisager et les regarder dans les yeux ? En un mot, ceux qui ont trahi la Palestine sont-ils capables de la défendre ? Voilà la question centrale qui se posera au sommet d'Alger !
Maintenant, s'il s'agit de céder au folklorisme des salamalecs d'usage et aux bonnes paroles sans effet — ces sempiternels discours hypocrites —, il ne fait aucun doute qu'un sommet, où qu'il se tienne et avec n'importe quel ordre du jour, remplira cette mission. Car il faut se rendre à l'évidence : les pays arabes sont divisés, terriblement divisés. Et cette division n'est pas le fruit de désaccords passagers. Elle est profonde, réelle, portant sur l'essentiel, sur des sujets fondamentaux : plus rien n'unit des États ayant accepté les plans sionistes et travaillant pour leur concrétisation et ceux qui continuent de défendre une certaine idée de l'honneur national et soutiennent la juste lutte du peuple palestinien. Ils ne peuvent s'entendre qu'en évitant les sujets qui fâchent pour aborder les points superficiels et se contenter de phraséologie dépassée.
En d'autres temps, il aurait été possible d'agir autrement, en allant jusqu'au bout de nos engagements révolutionnaires et de la disponibilité de nombreuses parties arabes, divisées et marginalisées, qui attendent le signal d'une nouvelle reconquête de la dignité perdue. Et ce signal ne peut venir que d'une Algérie ayant gardé le cap en toutes circonstances. Mais cette voie n'est plus possible et l'on ne peut revenir en arrière ! Le nouveau front du refus, souhaité par beaucoup, est incompatible avec la réalité du moment. Le rapport de force mondial est en faveur de ceux qui normalisent. C'est une évidence et l'ignorer peut engendrer beaucoup de désillusions.
Faut-il abdiquer ? Je ne pense pas que l'on puisse imaginer un tel choix à partir d'Alger. Toute notre histoire est faite de résistance et c'est cette constante qui renforcera toujours notre conviction que l'issue du combat entre l'oppression et la liberté, entre la justice et l'injustice, se réglera en définitive par les peuples. Ce qui nous rassure - pour terminer sur une note optimiste - est justement l'engagement massif et sincère des peuples pour la cause palestinienne. Ils se réveilleront un jour...
M. F.

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