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Rubrique Hommage

À la mémoire du professeur Gérard de Bernis (10 novembre 1928 -24 décembre 2010)

Par Abdelatif Rebbah 
Il y a dix ans, le 24 décembre 2010, un grand ami de l’Algérie, le professeur Gérard Destanne de Bernis nous quittait. Un être au parcours académique, professionnel et militant brillant et exceptionnel, s’éteignait. Après des études extrêmement brillantes à Paris (licence d’histoire obtenue à 18 ans, en 1946, puis diplôme de l’Institut d’études politiques à 21 ans et doctorat d’Etat en sciences économiques à 25 ans), Gérard de Bernis fut reçu très jeune, 26 ans à peine, au concours d’agrégation des Facultés de droit et d’économie (concours de 1954). Tout au long de sa vie professionnelle, il s’est efforcé de ne pas séparer la réflexion théorique de l’économiste universitaire qu’il était, de l’engagement de l’homme de terrain qu’il n’avait cessé d’être depuis les années étudiantes de sa jeunesse. Pour lui, l’économie, l’action économique, doit être mise au service de l’homme. Les luttes des travailleuses et des travailleurs ont été au centre de sa réflexion et de ses engagements.
Gérard Destanne de Bernis, alors professeur à la Faculté de droit et de sciences économiques de Grenoble, fut de ceux, au final de bien nombreux amis aujourd’hui oubliés, qui ont traversé les frontières, quitté les écoles, les facultés, les centres de recherche ou les laboratoires où ils officiaient pour mettre leurs compétences au service du peuple algérien et du jeune État algérien indépendant. En même temps que des centaines d’autres spécialistes de différentes disciplines moins connus ou anonymes qui témoignaient, sur le terrain, par les actes, de leur solidarité avec les Algériens, permettant à la rentrée scolaire et universitaire 1962-1963 de se dérouler, aux candidats au bac de le passer, aux hôpitaux de fonctionner, à la campagne labours-semailles de se réaliser, etc. En 1962, le peuple algérien sortait, laminé par le bas, d’un règne de près d’un siècle et demi de colonialisme, ce «sous-ensemble du capital, militairement violent». Notre pays, confronté, dans le même temps, à des tâches écrasantes multiples et variées, comptait dramatiquement ses maigres ressources qualifiées pour administrer le pays, nourrir et soigner sa population, former ses enfants, construire ses infrastructures, gérer et développer son économie. Un architecte par-ci, un agronome par-là, quelques avocats, de rares ingénieurs sans pratique industrielle, des médecins et enseignants en flagrant sous-effectif, un appareil économique quasi totalement paralysé et une administration devenue rachitique et techniquement démunie, après l’exode des Européens.
Une génération d’étudiants en sciences économiques, enfants sans complexes de l’Algérie indépendante, sait ce qu’elle doit à l’enseignement et à l’apport novateur de cet économiste fécond et généreux, observateur attentif des problèmes de la formation du sous-développement et surtout entièrement penché sur l’étude des perspectives et voies possibles d’en sortir dans des délais rapides, qui a forgé les armes théoriques pour penser et concevoir les fondements stratégiques d’une politique de développement national authentique et au service du progrès du peuple algérien.
Pour lui, l’indépendance nationale et la construction d’un système productif national allaient de pair. Le professeur de Bernis préconisait cette orientation conformément d’ailleurs aux priorités retenues par le Programme de Tripoli et confirmées en 1964 par la Charte d’Alger.
Des politiques de développement qui se définissent d’abord au niveau national où l’État et ses entreprises publiques jouent un rôle essentiel, où planification à long terme, investissements publics, croissance et développement durables sont à l’honneur.
Ces orientations firent, on le sait, le malheur des conseillers de la Banque mondiale qui rôdèrent un temps, vers 1966, dans notre pays, dans l’espoir de nous refiler leurs recettes. Mais, elles permirent à l’Algérie d’édifier en un temps record une base industrielle diversifiée qui fournit à des centaines de milliers d’Algériens un emploi stable et valorisant et des qualifications dans tous les domaines d’activité économique, ouvrant, en même temps, la porte naguère verrouillée des responsabilités techniques et gestionnaires à des milliers de cadres et techniciens. Priorités et orientations qui  permirent à l’Algérie de l’industrialisation d’envoyer par milliers des jeunes issus des milieux modestes apprendre à l’étranger, à maîtriser le savoir scientifique et les techniques industrielles.
En vingt ans, de 1967 à 1986, avec des recettes cumulées représentant moins du tiers de celles engrangées ces trois dernières décennies sous le règne de la 3issaba libérale parasitaire et prédatrice, l’Algérie de la stratégie de développement national et du progrès social a relevé le défi de jeter les bases d’une industrie nationale ex nihilo. Près de 1800 unités industrielles ont été mises en service et 200 projets industriels dans les domaines du raffinage, de la liquéfaction du gaz, de la pétrochimie, des engrais, des plastiques, des pneumatiques ont été mis en œuvre ; des grands hôpitaux et des universités ont été édifiés. En vingt ans, de 1967 à 1986, plus de deux millions de postes de travail nouveaux ont été créés. L’Algérie a produit des tracteurs, des wagons, des engrais, des grues, des moissonneuses-batteuses, des produits pharmaceutiques, des téléviseurs, des camions, des bus. Des bourgs agricoles se sont transformés, en l’espace de quelques années, en authentiques villes industrielles comme Sidi-Bel-Abbès, devenue la capitale de l’électronique, Annaba devenue la capitale de l’acier, Arzew celle de la pétrochimie, ou encore Skikda, Sétif et Biskra. Chaque commune est dotée d’au moins 3 écoles, un CEM, un centre de santé, un Souk-el-Fellah, chaque wilaya d’un centre universitaire…
Aujourd’hui, avec l’échec avéré, lamentable et ruineux de plus de trois décennies de politiques économiques libérales, on peut mesurer à quel point cette vision était fondamentalement juste et combien demeurent actuels ses enseignements.
Exemple d’amitié et de coopération à l’égard de l’Algérie, homme de savoir et humaniste, l’économiste et ami de l’Algérie Gérard Destanne de Bernis a fait don de son vivant à l’Université d’Alger de sa bibliothèque personnelle riche d’un fonds livresque de 400 ouvrages. Le destin avait voulu qu’en août 1950, le chemin de mon frère aîné Noureddine, 18 ans et tout juste bachelier, et celui de Gérard de Bernis, qui était déjà président de l’Union nationale des étudiants français (Unef), se croisent à Prague au deuxième congrès de l’Union internationale des étudiants.
A. R.

 

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