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Rubrique Entretien

Ali Hached, Ex-vice-président de Sonatrach et ex-Conseiller du ministre de l’Énergie et des mines : «En 2022, la demande» mondiale de pétrole devrait dépasser son niveau de 2019»

Entretien réalisé par Azedine Maktour
Le marché mondial de l’énergie traverse, depuis plusieurs mois, une séquence pour le moins pas très ordinaire, ni pour les pays producteurs ni pour les consommateurs. Une conjoncture qui nécessite des éclairages sur ses tenants et ses aboutissants. Si un florilège d’analyses venant de tous les horizons — des spécialistes occidentaux notamment — s’offre à qui veut comprendre ce qu’il se passe, notamment sur le marché du pétrole et du gaz, pour nous, Algériens, qui mieux qu’un autre Algérien, pour qui les questions liées à l’énergie n’ont aucun secret, pour expliquer les retombées de la flambée des prix et de tous les sujets collatéraux sur le pays ? M. Ali Hached, ex-vice-président de Sonatrach et ex-conseiller du ministre de l’Energie et des Mines, est particulièrement bien placé, lui le spécialiste des questions des hydrocarbures, pour aider à comprendre ce qui secoue le monde si particulier du pétrole et du gaz. Entretien.

Le Soir d’Algérie : Les prix du pétrole sont en hausse sur les marchés internationaux. Quelle analyse faites-vous de cette situation ?
Ali Hached :
Tout le monde s’accorde à dire que la reprise économique est à l'origine du rebond à l’échelle mondiale de la consommation énergétique. Une augmentation de la demande est traditionnellement source d’un renforcement des prix, du moins tant que l’offre reste insuffisante et que l’équilibre offre-demande n’est pas rétabli dans un délai plus ou moins long. Bien sûr, d’autres paramètres plus ou moins transparents, dont des facteurs géopolitiques, rendent encore plus complexes les mécanismes qui peuvent agir sur les niveaux de prix. Et c’est la combinaison de ces facteurs qui explique les cycles des prix pétroliers que le monde vit depuis des décennies. Cette fois-ci, l’épidémie de la Covid-19 s’est invitée comme acteur imprévisible bouleversant brutalement l’équilibre offre-demande. La pandémie, avec ses effets sur la paralysie presque totale de la mobilité et le très fort ralentissement de l’économie mondiale, a induit une chute drastique de la demande, qui s’est répercutée sur une baisse immédiate de la production de pétrole, de l’ordre de 10 millions de barils par jour, soit un niveau d’une ampleur jamais connue auparavant. 
Aujourd’hui que la crise sanitaire semble se résoudre et que la croissance de l’économie mondiale est de retour, on constate que l’extraction de pétrole rencontre des difficultés à retrouver plus rapidement son niveau d’avant la crise sanitaire  et n’arrive pas à suivre la reprise de la demande, d’où cette hausse des prix. Alors que tous les observateurs s’attendaient plus ou moins à une reprise de l’offre se calant sur une évolution progressive de la demande, le monde a subi de manière imprévue la fameuse «loi des séries». Et la liste est longue. Nous ne retiendrons que quelques événements : la vague de froid exceptionnelle fin décembre 2020-début 2021 dans l’hémisphère Nord, qui a vu chuter les stocks de produits pétroliers ; une série d'ouragans qui ont forcé la fermeture des raffineries de pétrole du golfe du Mexique ; ou encore, récemment, l’absence de vent dans plusieurs régions qui a fortement réduit la production des éoliennes génératrices d'électricité. Cette interaction [marchés de l’énergie – phénomènes climatiques], s’ajoutant à des contraintes conjoncturelles de production d’autres sources d’énergie à l’échelle mondiale, est quasiment une première, dans la mesure où elle a poussé à la hausse simultanée des marchés spot du pétrole, de l’électricité et du gaz naturel. 
Par ailleurs, même s’il est difficile de quantifier l’impact des tensions géopolitiques sur les marchés financiers du pétrole et du gaz naturel, il est clair que le marché papier continue à jouer un rôle important sur les marchés physiques du pétrole et du gaz. Enfin, il ne faut pas oublier que les producteurs de pétrole au sein de l’Opep+ maintiennent le cap d’augmentation progressive et prudente de leur production au rythme convenu il y a plusieurs mois déjà. D´autant plus que durant la pandémie où nous avons enregistré des prix très bas, voire négatifs du pétrole brut, certains grands pays consommateurs en ont profité pour stocker massivement, stocks que l’Opep+ surveille attentivement.
Est-ce que cette tendance haussière des prix du pétrole va se poursuivre ? Sur le court terme, à savoir les mois qui viennent, l’évolution du bilan offre-demande de pétrole laisse à penser que oui. Mais tout dépendra aussi de l’évolution de l’offre de pétrole et la réunion du 4 novembre prochain des pays de l’Opep+ donnera une première indication de la tendance future. On verra ce qu’ils décideront, mais une augmentation plus significative de leur production de pétrole pourrait quelque peu infléchir la tendance haussière, ou du moins stabiliser les prix autour d’un niveau de 80$/bbl. 
Au courant de l’année 2022, sauf circonstances exceptionnelles liées à un rebond de la pandémie et donc affectant le niveau de la croissance économique attendue, la demande devrait dépasser son niveau de 2019  ,soit un peu plus de 100 millions de barils par jour. Du côté de l‘offre non Opep, notamment celle des États-Unis, elle devrait rejoindre progressivement ses niveaux d’avant-pandémie. Là encore, l’alliance OPEP-non OPEP sera appelée à jouer un rôle décisif pour stabiliser les prix à un niveau acceptable, probablement autour de 75 dollars, sous réserve, bien sûr, de continuer à reconnaître que certains pays producteurs comme la Libye, l’Iran et le Venezuela, exemptés de quotas, peuvent librement augmenter leur production. 

L’augmentation des prix du gaz est en train de mettre certaines économies européennes en difficulté. Quel est votre avis sur cette crise ? 
La hausse des prix du gaz ne concerne pas seulement l’Europe, c’est là aussi une tendance mondiale liée à la reprise post-Covid que j’ai mentionnée précédemment, et qui a provoqué une hausse des prix du pétrole, du charbon et du gaz naturel. Les prix du gaz sur les marchés Spot sont eux aussi tirés par la forte demande des marchés asiatiques, notamment la Chine dont les importations de GNL ont à elles seules augmenté de plus de 35% rien qu’au premier trimestre de cette année. Dans l’industrie, la demande est en forte hausse, car les entreprises abandonnent le charbon pour le gaz qui émet beaucoup moins de gaz carbonique, la taxe CO2 en Europe ayant été portée de 20 à 65 euros. En parallèle, la production de gaz est en déclin en Europe. Le gisement de Groningue en Hollande s’arrêtera de produire dans un contexte de stocks européens qui peinent à retrouver leurs niveaux habituels. Enfin, les renouvelables, notamment l’éolien qui a connu un développement important en Europe, ne peuvent pas assurer la continuité des approvisionnements, car dépendants de la météo, phénomène hors de contrôle, dans un contexte où leur contribution est devenue importante dans le mix de la génération électrique ; quand ils viennent à manquer, cela crée une certaine instabilité sur les systèmes électriques. Or, en Europe, ces derniers mois, la production éolienne, faute de vent, a peu contribué, révélant dramatiquement qu’il est indispensable de disposer en back-up de systèmes énergétiques pilotables comme les centrales à gaz.
Dans le cas particulier des cours du gaz naturel en Europe, il faut noter que la flambée des prix n’a affecté que les prix spot des plateformes boursières. Les cours du gaz sur ces hubs ont été multipliés par 5 depuis le début de l'année. À intensité énergétique équivalente, le prix spot du gaz en Europe correspondrait à un baril de brut de 175 à 200 $/baril, une première dans l’histoire du gaz. Plus encore, pour donner une idée de l’ampleur du choc que vivent les marchés du gaz en Europe et en Asie, le prix du gaz observé de 30$ /MMbtu correspond à un  prix du pétrole s’appliquant dans les  formules de prix des contrats de long terme de plus de 300 $/baril !!
L’évolution à court et moyen termes des prix spot des trois marchés régionaux (Asie ANEA, US HH et Europe TTF) montre que c’est l’Asie qui continuera à tirer les prix spot à la hausse les prochains mois. La plupart des analystes s’accordent à dire que les prix devraient se situer autour de 12 à 15$/MMbtu au deuxième semestre 2022.
De son côté, le prix des transactions de gaz naturel des contrats d’importation à long terme n’ont, en fait, pas  connu de hausse brutale à cause de leur mécanisme d’indexation sur le prix du pétrole, qui fait appel en général à des moyennes lissées sur plusieurs  mois (3 à 9 mois) en fonction des contrats. Ce lissage des index de prix du gaz vendu à long terme efface la volatilité des prix spot et contribue ainsi à faciliter les procédures de livraison. Ce qui différencie principalement la transaction spot de celle des contrats classiques, c’est la flexibilité importante des livraisons de long terme qui a un coût important pour le producteur. Cette flexibilité est quasi inexistante dans les transactions spot. Le consommateur européen n’aurait jamais connu une hausse brutale des prix  dans les années 1990, quand l’approvisionnement en gaz de l’Europe était assuré par des contrats de long terme, indexés sur les prix du pétrole. Certains acteurs européens semblent découvrir aujourd’hui qu’il faut investir dans le stockage du gaz naturel pour échapper à la volatilité des prix spot. Mais ne soyons pas naïfs, la volatilité des prix est souvent recherchée et encouragée sur les hubs gaziers et pétroliers par certains acteurs pour qui elle représente une formidable opportunité pour réaliser des superprofits et les aberrations qui en résultent telles que des prix négatifs du pétrole et du gaz n’ont interpellé personne. Les compagnies gazières sont les mieux placées pour spéculer sur les plateformes de trading de gaz car elles ont la possibilité de recourir à des transactions physiques de gaz pour «fermer» leurs positions financières dans la mesure où elles contrôlent toute la chaîne de valorisation de leur gaz (slots GNL et capacité de transport). Ainsi, des compagnies pétrolières et gazières ont réalisé des superprofits qui se chiffrent en milliards de dollars sans vendre un mètre cube de gaz ou un baril de pétrole en période de forte volatilité (à la baisse ou à la hausse). Cette volatilité des prix traduit probablement aussi les appréhensions de certains acteurs, qui s’interrogent sur les tensions géopolitiques qui pourraient menacer des chaînes d'approvisionnement de GNL. 
À titre d’exemple, une détérioration éventuelle de la situation géopolitique au Moyen-Orient aura des répercussions instantanées et importantes sur les marchés boursiers du gaz et du pétrole, sans affecter de manière importante les transactions de long terme de gaz naturel.
On a l’impression que les consommateurs européens découvrent que les règles de la globalisation sont financièrement douloureuses lorsque la main invisible du marché du GNL est attirée par d’autres marchés. Depuis juillet 2020, la Chine a augmenté ses achats de gaz naturel liquéfié américain, et si Pékin et Washington concluent d’autres accords importants à long terme sur la livraison de GNL, cela pourrait compliquer la situation en Europe et augmenter davantage les prix qui sont en hausse. Les Européens semblent surpris des premières conséquences financières de leur politique énergétique. «The last but not the least», ils découvrent aussi que le prix de l’électricité peut être indexé sur les prix spot du gaz, et que les EnR ne pourront pas, avant longtemps, remplacer le gaz à cause de leur nature intermittente et variable. 
Ainsi, paradoxalement, l’Union européenne, qui a idéologiquement banni les relations de long terme entre producteurs et importateurs de gaz naturel, a indirectement réussi à imposer un mécanisme européen d’indexation du prix de l’électricité sur les prix spot du gaz. Ainsi, les pays qui produisent leur électricité à partir des centrales nucléaires ont souvent des factures de prix d’électricité alignées sur celles du gaz, le réseau européen du gaz étant entièrement interconnecté. C'est après avoir exclu le gaz naturel de la liste des sources d'énergie à faible émission de carbone, que l’Europe découvre que le gaz est indispensable. Mais bien évidemment, et c’est le revers de la médaille, avec des cours du gaz aussi élevés, on enregistre une destruction de la demande, et cela affecte en premier lieu les industries énergivores qui n’ont pas souscrit à des contrats d’approvisionnement de long terme de gaz naturel. Les producteurs d'acier et d’engrais azotés, touchés de plein fouet en Europe, sont contraints de réduire leur production, voire fermer temporairement certaines usines, entraînant dans la foulée beaucoup de moyennes ou petites sociétés de services vers la ruine, dans un contexte post-Covid encore instable économiquement.
J’ouvre une parenthèse pour dire qu’en Algérie, de nombreuses industries fortement énergivores et orientées vers l’exportation (engrais azotés, ciment, acier, sucre…) bénéficient de prix du gaz et de l’électricité subventionnés qui sont inférieurs à leurs coûts de production. Ainsi, des investissements réalisés par des entreprises algériennes ou étrangères en ID sont devenues des opérations très coûteuses de transfert de rente gazière sans que les exportations  produisent de valeur ajoutée pour l’Algérie. La Creg, dans son dernier rapport disponible, a réitéré ses recommandations concernant la révision des tarifs du gaz et de l’électricité et l’audit énergétique des industries grosses consommatrices d’énergie. Le ministère de l’Énergie avait, au milieu des années 2010, envisagé d’introduire des mécanismes spécifiques pouvant corriger cette situation et une des mesures préconisées consistait à différencier le prix du gaz en fonction de la destination des produits finis en alignant le prix du gaz sur celui facturé à l’international pour tous les volumes de gaz nécessaires à la fabrication des produits exportés. En l’absence de ce type de mécanisme, la rente associée à plusieurs milliards de m3 de gaz est ainsi détournée chaque année à travers ces industries d’exportation. Sans un changement de gouvernance en la matière, associé à une amélioration de l’efficacité énergétique, ces «fuites de rente» gazière attirent des investissements étrangers fortement consommateurs d’énergie, contribuant à nous rapprocher plus rapidement du scénario fort et préoccupant en termes de demande gazière interne à l´horizon 2030 publié par la Creg.
Et pour être très clair sur ce sujet, l’idée n´est pas de décourager ou faire fuir les investissements étrangers, non, mais beaucoup plus d’appliquer un prix plus juste pour le gaz livré aux installations industrielles sur le marché intérieur qui tienne compte du coût d’opportunité.

Pourquoi dit-on que la Sonatrach ne va pas tirer profit de cette conjoncture de hausse des prix du gaz ? 
Avant de répondre précisément à cette question,  rappelons un certain nombre d’événements historiques qui ont marqué l´évolution du marché international du gaz, notamment au niveau du marché gazier européen, et ses répercussions sur la stratégie de valorisation du gaz mise en place par notre pays.
En effet, l’Union européenne décide, en 1998, plusieurs années après les États-Unis et le Royaume-Uni, de promulguer une nouvelle directive, avec comme objectif affiché la libéralisation du marché gazier européen et ce, selon trois axes : i) Démonopolisation avec réduction de la part de marché des sociétés nationales traditionnelles opérant en Europe, ii) multiplication des acteurs sur le marché avec accès direct aux sources d'approvisionnement en gaz pour les nouveaux entrants, iii) séparation des activités  commerciales, opérationnelles et comptables au sein des sociétés verticalement intégrées (Unbundling).
Un peu plus tard, au début des années 2000, la Commission européenne, se prévalant de ladite directive, ouvre un front pour la modification de certaines clauses des contrats gaziers. Après de longues et âpres négociations, et pour limiter les effets commerciaux de l’abandon de certaines clauses, Sonatrach, en accord avec la Commission  européenne et ses clients,  apporte les modifications nécessaires et préserve ainsi ses intérêts et ceux du pays. Ces premières difficultés ont bien sûr fait prendre conscience à Sonatrach de la décision irréversible de l’UE de libéraliser le marché du gaz et, dans un horizon plus ou moins lointain, de limiter, sinon proscrire, les contrats de vente/achat de gaz à long terme indexés sur le pétrole et les produits pétroliers, l’UE allant jusqu’à définir le contrat de long terme comme un contrat de durée maximale d’un an. Il fallait donc s’adapter à cette nouvelle donne et à l’aube des années 2000, Sonatrach, en accord avec les autorités du pays, décide de développer une stratégie commerciale de déploiement dans l’aval gazier international. Ce processus avait conduit à la mise en place de filiales de commercialisation de gaz dès 2004, qui sont devenues opérationnelles très rapidement dans plusieurs pays européens : Royaume-Uni, Espagne et Italie.
En parallèle, et afin de se doter des outils logistiques indispensables à ce déploiement, Sonatrach avait procédé à la réservation de capacités de transport sur les gazoducs internationaux, Transmed vers l’Italie et Medgaz vers l’Espagne, la réservation de capacité de regazéification de GNL à Isle of Grain au Royaume-Uni et à Montoir en France, ainsi que l’augmentation de sa flotte de méthaniers. Une refonte de ses outils de  commercialisation a également été opérée, notamment pour gérer toutes les opérations de couverture des risques financiers liés aux ventes à terme des hydrocarbures et ce, à travers une structure spécifique de «Risk management» entièrement dédiée à cette fin. Ceci devait permettre sur le moyen terme d’adapter les modes de commercialisation des produits de Sonatrach et notamment le gaz naturel et le GNL et de revoir la place et le rôle des contrats gaziers classiques, dont les prix étaient totalement indexés sur le pétrole brut et les produits pétroliers.
Comme vous le savez,  Sonatrach a vécu ces dernières années une instabilité chronique au niveau de son top management, au vu des nombreux responsables qui se sont succédé, et cette stratégie a été abandonnée graduellement pour des raisons multiples. De ce fait, nous constatons aujourd’hui que, malheureusement, la plupart des capacités de regazéification de GNL (et de stockage du pétrole brut) réservées à l’étranger ont été abandonnées et l’entité de gestion des risques dissoute. Les filiales de commercialisation de gaz à l’étranger ont elles aussi fini par être dévitalisées, voire pour  certaines définitivement fermées, comme c’est le cas de la filiale en Italie pour le gaz et celle à Singapour pour le pétrole.
Donc, pour répondre à votre question, je dirais que vu la disparition de quasiment tous les outils pouvant lui permettre d'optimiser et de valoriser au mieux la commercialisation de ses volumes d’hydrocarbures, notamment le gaz naturel, Sonatrach n’a aujourd’hui pas suffisamment de moyens pour réagir instantanément et profiter financièrement de l’évolution des prix du gaz par un arbitrage entre les marchés et entre différents modes de commercialisation, y compris à travers les plateformes boursières européennes. Au contraire de sociétés concurrentes comme Equinor (Norvège), Gazprom (Russie) et  qui, elles, se sont adaptées il y a une dizaine d’années déjà. Toutefois, Sonatrach bénéficiera de la hausse progressive des prix des ventes dans le cadre des contrats à long terme mais aussi de celle des prix des volumes potentiels de GNL, relativement limités, vendus en spot sur le marché européen.

En conclusion, quelles leçons pour l’Algérie tirez-vous de cette crise énergétique ?
Cette hausse des prix qui est à mon avis conjoncturelle m’inspire deux réflexions : 
La première concerne les effets du changement climatique  en Algérie : les analystes des marchés énergétiques n’ont pas anticipé cette crise gazière européenne qui semble avoir surpris tout le monde. À cela, il y a, semble-t-il, deux raisons : (i) Les modèles qu’ils utilisent ne peuvent pas prendre en compte les phénomènes climatiques incontrôlables qui font maintenant partie de l’équation offre-demande d’énergie ; (ii) le choix par les européens de faire du GNL une variable d’ajustement de leurs approvisionnements est un mécanisme qui ne fonctionne pas dans un marché entièrement libéralisé et excessivement tendu, d’autant plus que les régulateurs ont  laissé certains pays de l’UE réexporter du GNL (USA et autres) vers l’Asie, alors que les stocks de gaz n’étaient pas reconstitués.
Les bouleversements climatiques sont appelés, selon certains scientifiques, à se renouveler fréquemment. Est-ce le signe d’un basculement climatique avant l’heure ? Certains experts en sont convaincus et recommandent d’accélérer l’adaptation au changement climatique. Je pense que l’Algérie devrait se pencher sur les moyens de protéger la population, notamment en intensifiant les investissements dans le dessalement d’eau de mer, l’acquisition de moyens de lutte anti-incendies, la lutte contre les effets de la canicule, au sud particulièrement. Les menaces sont connues : stress hydrique, inondations, incendies. 
Ma deuxième réflexion concerne la valorisation du gaz algérien. Dans la course vers la neutralité carbone, plusieurs pays tenteront de relancer la filière nucléaire, alors que la majorité des pays européens prendra conscience de l’importance du gaz naturel, car les centrales nucléaires rencontrent de nombreuses oppositions. C’est une opportunité pour l’Algérie qui peut dérouler sa transition énergétique de plusieurs manières, à condition de s’y prendre à temps. Elle bénéficie d’un ensoleillement exceptionnel, de vastes territoires pour implanter des projets solaires gigantesques, des réserves de gaz (non conventionnelles) susceptibles d’assurer une production d’énergie pilotable, et des infrastructures gazières en place. Cette crise européenne confirme que le gaz naturel est une composante incontournable dans la gestion de la transition énergétique à l’échelle mondiale. Face à cette donnée, il s’agit pour l’Algérie de construire un modèle de valorisation de ses ressources gazières en tant que composante majeure de son mix énergétique. Il est établi en effet que l’Algérie devrait faire face, à l’horizon 2030, à un problème de sécurité énergétique, si elle ne relève pas rapidement le double défi de l’efficacité énergétique et du développement de nouvelles ressources énergétiques. Les mesures à prendre, en priorité, concernent l’amélioration de l’efficacité énergétique, l’audit énergétique des installations énergivores, notamment celles de Sonelgaz, et le recours intensif à l’autoproduction d’électricité. Ce sont des domaines où des décisions administratives et techniques simples non assujetties à des contraintes de financement public qui peuvent être prises rapidement. Concernant le gaz naturel, Il est impératif de disposer d’une véritable vision à long terme du développement gazier du pays. Cette vision de long terme intégrera une réflexion sur les atouts et les limites des contrats de long terme et une redynamisation des outils de pilotage des marchés gaziers dans un environnement énergétique en mutation. Parmi ces outils, la gestion des risques devra s’appuyer à la fois sur une bonne connaissance des enjeux géopolitiques mondiaux et d’instruments de prévisions robustes, et aussi sur des équipes aguerries, maîtrisant le fonctionnement des marchés. Tout cela permettra de construire un modèle de développement et de valorisation du gaz naturel, en mesure d’attirer des investisseurs étrangers, dans le cadre de nouveaux partenariats, en accompagnement à la loi sur les hydrocarbures actuelle qui, seule, ne suffira pas. C’est à mon sens la voie qui permettra à nos ressources de gaz de continuer, non seulement à contribuer à nos revenus en devises, mais surtout à assurer la garantie pérenne et stable de la sécurité énergétique de notre pays, à travers une trajectoire dans laquelle les énergies nouvelles s’inscriront progressivement.
A. M.

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