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Rubrique Débat

Droit de réponse à la tribune de Badr’Eddine Mili du 19 mars 2018

Par Emmanuel Alcaraz(*)
A la lecture de votre article «Ces incorrigibles historiens français», j’avoue avoir été frappé de stupeur. Votre article se veut un réquisitoire idéologique d’une rare violence contre mon livre dont vous dénaturez totalement le propos. Vous citez même des passages qui sont absents de l’ouvrage. Vous me qualifiez de pied-noir nostalgérique alors que je suis né en France, dans le Var, en 1976, soit quatorze ans après la fin de la guerre d’Algérie. Vous évoquez le président Macron alors qu’il n’est même pas mentionné dans le livre.
Cet ouvrage n’est absolument pas un pamphlet politique, mais un travail d’historien – dont vous méconnaissez à l’évidence les prérequis du métier, vous, idéologue de service — se fondant sur des enquêtes de terrain en Algérie et sur des recherches à partir d’archives, de documents de première main, d’entretiens croisés, pendant plus de dix ans.
Pour donner une caution intellectuelle à votre propos, vous citez des noms d’historiens et d’intellectuels dont les positions et travaux par ailleurs ne vont pas tous dans le même sens, qui sont d’ailleurs abondamment référencés dans mon ouvrage. Vous en oubliez tant d’autres de Mohammed Harbi à Abu Al Qasim Saadallah, d’orientations différentes, que j’ai eu le privilège de connaître.
La véritable raison de votre «haine» au sens d’Albert Memmi, il y a en effet un sentiment schizophrénique qui transparaît à la lecture de votre texte, est que vous feignez d’adopter une posture nationaliste pour contester le fait que la mémoire de la guerre d’indépendance algérienne n’est plus le monopole du pouvoir algérien. Les martyrs de la guerre d’indépendance algérienne appartiennent au peuple algérien, à la société algérienne. Ils ne sont ni votre propriété ni la mienne. Ils ne sont pas non plus la propriété d’un régime, de sa classe dirigeante à laquelle vous appartenez et que vous servez, semble-t-il, sans discontinuité.
Mon livre, préfacé par le professeur Aïssa Kadri, qui a été rapporteur de ma thèse dirigée par Benjamin Stora, n’est pas du tout nostalgique de la colonisation. La plupart des historiens français n’ont plus aucune ambiguïté à ce sujet. Votre analyse relèverait même de la diffamation. Mon livre évoque à travers l’histoire de la mémoire algérienne les crimes commis contre l’humain par la France coloniale contre le peuple algérien qui a mené une longue résistance pour se libérer de la colonisation.
Il raconte l’histoire de l’Algérie de l’indépendance à nos jours à travers ses lieux de mémoire, ses musées, ses monuments aux martyrs, les lieux où ont souffert les Algériens, la prison Barberousse-Serkadji où ont été emprisonnés et guillotinés les patriotes algériens, Ifri Ouzellaguen où a été adopté le Congrès de la Soummam, qui est la première Constitution algérienne, et les lieux de bataille comme El Djorf dont j’ai rendu compte de manière détaillée sur la base d’archives inédites. Je suis d’ailleurs un des seuls historiens français qui traite des batailles livrées par l’Armée de libération nationale sans me limiter à la bataille des frontières. Je traite à la fois de la lutte armée et de la lutte politique menée par la résistance populaire algérienne. En étudiant ces lieux sans se limiter à l’interprétation officielle que vous défendez dans une posture idéologique d’exclusive et de servitude, il est évident que le nationalisme algérien a été pluriel comme l’est l’identité du peuple algérien qui est arabe, berbère, musulmane et africaine. L’Algérie est une terre de métissage. Ce nationalisme a été incarné par différentes familles politiques qui ont chacune leur légitimité et qui sont une source de richesse pour l’Algérie. Votre commentaire omet de parler des communistes algériens dont j’ai évoqué la lutte dans mon livre dans la prison Barberousse-Serkadji en parlant notamment d’Henri Alleg que j’ai rencontré à plusieurs reprises.
Si vous parlez des Européens d’Algérie, monsieur, pour la mémoire de Maurice Audin, de Fernand Iveton, qui ont lutté et qui sont morts pour l’indépendance de l’Algérie, ne commettez pas d’amalgame, de raccourcis historiques simplificateurs. Respectez la mémoire de tous les martyrs algériens qui ont lutté pour que les enfants algériens puissent aller à l’école, pour qu’ils soient soignés, pour qu’ils puissent vivre dans une Algérie libre, pour que les richesses de la terre algérienne ne soient pas accaparées par une minorité de nantis dont vous vous faites ici le chantre, mais reviennent à son peuple.
Monsieur Badr’Eddine Mili, je vous en prie, lisez-moi avant d’écrire n’importe quoi. Une fois que vous m’aurez lu, j’accepte de vous rencontrer, pour débattre de manière courtoise, à partir des faits, archives et documents contradictoires, de mon livre en Algérie même, devant tous les Algériens.
E. A.
* Docteur en histoire.

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