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Rubrique Contre poings

Aït Chellouche Youcef, l'humanitaire

Les yeux azur, la taille d'un basketteur, une politesse incrustée dans la peau, un savoir et une intelligence «tsunamesque». D'où sortait donc cet étudiant en économie qui traînait à la Fac centrale d'Alger ses polycopes, livres, journaux et... banjo ? Un fou ? Sans doute un
peu. Comme nous tous, à l'époque.
Youcef Aït Chellouche était un homme qui savait cacher sa colère sous de grands rires. Entre de grands bras. Il était l'ami de tous. Les copines en rêvaient. Lui avait des idéaux, des songes. Peut-être des projets.
Noyé dans la poésie, il gardait, cependant, les pieds englués dans la terre. La terre, ça le connaît. Toutes les terres. Et parce qu'il a eu la chance et le bonheur de parcourir la planète et notamment les pays miséreux mais les plus riches humainement, je suppose qu'il a pris la mesure du destin qui nous attend.
Je sais qu'il a été meurtri par les épisodes tragiques qu'a connus l'Algérie, son pays. La Kabylie, son repaire.
Incendies, Covid, meurtre, morts...
Les drames humains ont été son lot pendant un quart de siècle.
Du monticule où il est né en 1956, à Ighil-Bougueni (Aïn-el-Hammam), il avait une vue panoramique sur le chapelet de villages qui parsèment les collines de Kabylie. Chaque mamelon lui susurrait un nom ; Mammeri, Feraoun, Amirouche, Oumeri....
Arrivé au collège quelques années après l'indépendance, il parcourt chaque  jour seize kilomètres à pied entre l'aller et le retour pour aller s'instruire.
Le lycée Amirouche, qu'il découvrira un peu plus tard, va l'entraîner dans un tout autre tourbillon. Tout à fait inattendu. Peut-être espéré par le battant qui dormait en lui.
Il raconte : «C'est là, à ce moment-là, pendant ce peu d'années passées à Tizi-Ouzou, que je me suis découvert ! J'ai appris, par exemple, que ma langue, le kabyle, tamazighit, s'écrivait. Elle avait été transcrite par nos ancêtres en tifinagh. Au lycée, j'ai eu accès aux publications de l'Académie berbère, du Pags, du GCR... Toutes des publications clandestines mais néanmoins formatrices qui circulaient dans les chambrées de l'internat. Je suis arrivé au lycée avec des chaussures en caoutchouc. Les aînés que j'ai rencontrés sur place, des gens de gauche, m'ont parlé des riches. J'ai très vite compris qu'il y avait trop de pauvres dans ce monde. Je me suis immédiatement rangé de leur côté. Je suis devenu un homme de gauche mais je n'ai jamais rejoint une quelconque organisation. À partir de 1977, inscrit en sciences économiques à la Fac centrale et résident à la cité universitaire de Ben Aknoun, les choses se sont mises à bouger. J'ai littéralement mué !»
Youcef est englouti par le creuset politique qu'était, alors, la cité U de Ben Aknoun. Lui qui ne parlait que «l'arabe du pain» comme il le dit si bien, va découvrir les baâthistes, les communistes institutionnels, les gauchistes, les islamistes... Il est happé par l'œil du cyclone. 
Aït Chellouche est, dès sa première année de fac, de toutes les grèves. De toutes les réunions contestataires et clandestines.
C'est tout, naturellement, que, dès les prémices du Printemps berbère, il rejoint la bande de copains qui vont devenir sa famille. La troupe Debza. Pour y apporter son écot, il se met à apprendre la guitare.
«Là, dans ce groupe cofondé avec mes amis par Kateb Yacine, j'ai vite retrouvé cet amour du partage et de la recherche de la justice sociale. C'est à ce moment cathartique et fondateur que j’ai compris que la rue appartenait aux citoyens, pas aux flics.»
Kateb, Mammeri, Djaout et bien d'autres diront à Youcef que Debza était sur la bonne voie. Plus de quarante ans après, la troupe qui a accueilli plus de 500 personnes existe toujours.
Après quelques années au ministère de la Santé du pays, Aït Chellouche, cadre supérieur emprisonné en 1981 à El-Harrach avec 22 autres compagnons pour atteinte à la sûreté de l'État et 11 autres blagues, se retrouve responsable à l'Organisation mondiale de la santé (OMS), puis, plus tard et pendant plus de 20 ans, patron de camps humanitaires de la Croix-Rouge en Afrique.
Il a croisé la route des cyclones et des pires épidémies dont celle d'Ebola, la plus grave que l'humanité a eu à affronter ces dernières années. Il a connu le dénuement, il a embrassé la misère. Il y a goûté. C'est en cela, c'est pour cela qu'il porte dans son corps, dans son âme, les brûlures qui ont endeuillé le pays et particulièrement sa Kabylie.
Il en tire une leçon : «Il y a des aléas naturels, la pluie, la sécheresse, les cyclones, les séismes. Ce qui n'est pas naturel, ce sont les catastrophes lorsqu'elles ne sont pas anticipées.»
En 22 ans de carrière en Afrique, Youcef Aït Chellouche a agi au Zimbabwé, Congo-Brazzaville, Kenya, Sénégal, Ghana, Éthiopie, Madagascar... Il a même connu la planète RCD dont il a été secrétaire national à l'économie, pendant trois ans.
Il a quitté ce parti quand il a compris que toutes les voies qui traversaient ce territoire étaient soit barrées soit à sens unique !
M. O.

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