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Rubrique A fonds perdus

L’âge d’or du monopole

Arthur Herman, chercheur à l'Institut Hudson, revient sur le livre The Great Reversal («Le grand revirement») de Thomas Philippon — professeur de finance à la Stern School of Business de l’Université de New York ­— qui vient de paraître chez Belknap/Harvard.(*) 
L’idée centrale du livre est que « Bigger is not better » (« plus gros n’est pas mieux ») et que l’économie concurrentielle de marché, idéologiquement associée au libéralisme, a diminué comme peau de chagrin dans la plupart des secteurs de l’économie américaine, l’Europe étant la seule à offrir encore un environnement réellement compétitif et ouvert.  
L’idée, généralement admise, que l’Amérique est un moteur dynamique, créateur de richesses, par rapport à ses rivaux européens léthargiques, alourdis par la surveillance et l’intervention de l’État, est fausse, soutient M. Philippon : l’Europe est en train de devenir un refuge pour la concurrence sur le marché libre pendant que les États-Unis s’enlisent « dans un environnement anticoncurrentiel et quasi monopolistique, dans lequel des entreprises «trop grandes pour faire faillite» exercent leur influence pour évincer les nouveaux arrivants et faire monter les prix tout en réduisant les investissements et la productivité ». 
L’ouvrage de M. Philippon s’ouvre par un constat simple et sans appel : «Pourquoi les forfaits de téléphonie mobile aux États-Unis sont-ils si coûteux ? Pourquoi les consommateurs européens et asiatiques paient-ils moins pour le service cellulaire et obtiennent-ils en moyenne beaucoup plus ? »  
Le questionnement est pertinent car une étude de 2017 montre que les consommateurs américains pourraient économiser jusqu'à 65 milliards de dollars par an si les tarifs mobiles étaient comparables à ceux des Allemands, alors qu’une autre étude de 2015 établit le même constat concernant le coût du service internet, qui est jusqu'à trois fois et demie plus élevé aux États-Unis qu’en France.  
Tout comme pour les compagnies aériennes, les banques, les centres de soins de santé ou les producteurs de médicaments, les opérateurs des télécoms et les géants du Net, également appelés Big Tech, procèdent à des arrangements qui « entravent le dynamisme et l’efficacité ».  
L’auteur de l’ouvrage s’appesantit sur trois problèmes, « fournissant une variété de tableaux et de graphiques riches en données pour documenter ses affirmations » : « Tout d’abord, les éléments de preuve indiquent que la concurrence a diminué dans la plupart des secteurs de l’économie américaine, y compris le secteur de la haute technologie, où la réputation si vantée de la Silicon Valley laisse présager des innovations et une productivité sans fin, mais exposée à une concentration croissante qui a ralenti les deux. Deuxièmement, le manque de concurrence est dû à l'influence du lobbying et des dépenses de campagne visant à inciter les politiciens et les décideurs à protéger l'avantage monopolistique et à limiter l'entrée sur le marché des concurrents potentiels. Troisièmement, face à la baisse de la concurrence, les gros joueurs n’ont pas à attirer les investisseurs en améliorant leur jeu. »  
Résultat : «Des salaires plus bas, des investissements plus faibles, une productivité plus faible, une croissance plus molle et plus d’inégalités.»  
Tel est le fruit de politiques économiques conçues pour protéger les plus grandes entreprises et concentrer le «pouvoir de marché» entre les mains d’un nombre réduit d’opérateurs.  
« Mon principal argument, écrit M. Philippon, est qu'il y a eu une large augmentation du pouvoir de marché sur l'ensemble de l'économie américaine et que cette augmentation a porté préjudice aux consommateurs américains .» Le pouvoir de marché mesure l'inélasticité de la demande, c'est-à-dire la capacité d'une entreprise à augmenter ses prix et ses bénéfices aux dépens de ses clients, car elle ne laisse pas d'alternative ou trop peu de marge de manœuvre aux autres opérateurs. Ce préjudice provient en grande partie de la concentration accrue dans des secteurs économiques clés, où les «firmes superstars» dominent et bloquent leurs concurrents.  
Ce modèle inclut également les Big Tech, comme Microsoft, Amazon et Google, qui affichent des dépenses de lobbying faramineuses afin de limiter les actions antitrusts et autres mesures susceptibles de nuire à leur domination sans partage du marché.  
M. Philippon voit dans l’Europe d’aujourd’hui un espace de concurrence impulsée par les gouvernements qui a permis de libéraliser les marchés en stimulant la compétitivité et en maintenant ainsi les services et les prix bas.  
Le retour au libéralisme économique est pour M. Philippon un levier de croissance, soutenant que si nous pouvions rendre l'économie aussi compétitive qu'il y a 20 ans, le PIB global augmenterait de 5%. L'effet sur les salaires serait également encore plus favorable au monde du travail, lorsque la concurrence impliquerait de payer plus pour embaucher et garder les meilleurs travailleurs : «Mes calculs suggèrent que le manque de concurrence a privé les travailleurs américains de 1,5 billion de dollars de revenus», écrit-il. «C’est plus que l’ensemble de la croissance cumulée de la rémunération réelle entre 2012 et 2018.» 
A. B.  

(*) Arthur Herman, «The Great Reversal’ Review : When bigger is not better», Wall Street Journal, 6 novembre 2019.    

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